La démarche individuelle et surtout les célibataires adoptant en individuel comme moi peuvent devenir des proies, d’autant plus que les pays vers lesquels nous choisissons d’adopter affichent parfois des records de corruption et que la solitude peut affaiblir.
Comment résister aux sollicitations alléchantes quand nous nous retrouvons seules dans un pays étranger, animées d’un profond désir d’enfant si les choses ne sont pas claires dans notre tête avant ? Est-il inhumain d’avoir la faiblesse d’accepter des propositions pourtant inacceptables quand nous sommes dans une situation de fragilité psychologique ?
Les sollicitations sont nombreuses. J’ai vu des femmes mauritaniennes passer la frontière pour accoucher au Sénégal et y abandonner leur nouveau-né ; j’ai vu des intermédiaires nous les proposer dans des délais record moyennant finance. La question « quel juge gère les dossiers de ces enfants ? » est restée sans réponse, un long silence...
Des assistants de direction de certaines pouponnières demandent des iphones, des voitures et autres cadeaux en laissant miroiter un enfant rapidement. Les principales victimes sont les femmes seules.
Et même si notre procédure est intègre, pourquoi nous interdire d’offrir quelques euros pour accélérer les démarches, récupérer des papiers plus vite ?
Et là encore les hasards de la vie ont permis une articulation entre désir et loi : la rencontre avec une juge intègre, droite, sévère mais humaine, figure de justice mais également protectrice. Cette forte et grande personnalité a été fondatrice dans cette filiation naissante, bien au delà de sa fonction, en m’offrant ma place de mère.
Mon analyse rétroactive me confirme la nécessité d’une réflexion sur l’éthique de notre projet en amont, “à froid”, en dehors de tout contexte passionnel.
Ceci me semble particulièrement important car je suis convaincue que ce qui a précédé l’arrivée de mon enfant est déterminant pour son futur.
Il me semble que les questions que mon enfant ne manquera pas de me poser plus tard seront abordées plus sereinement si je peux y répondre avec sincérité et honnêteté.
En ce qui concerne l’éthique dans l’adoption, notre responsabilité est certes individuelle mais doit également être collective. Les futurs adoptants ne doivent pas pâtir d’un manquement éthique de leurs prédécesseurs. Au contraire, l’adoption, c’est aussi la rencontre avec de belles personnes et la création d’une chaîne humaine de solidarité pour transmettre à d’autres ce que nous avons nous-mêmes reçu.
Enfin, si les sollicitations sont plus importantes en démarche individuelle et que l’éthique nous appartient, s’il a fallu supporter seule les aléas et la dureté des administrations étrangères, je n’ai jamais eu de regret sur le choix de ma procédure.
Celle-ci m’a offert une formidable immersion dans la vie pré-adoptive de mon enfant.
Avoir pu m’imprégner du pays de naissance de mon fils pendant de longues semaines, de son milieu de vie avant mon arrivée, est chargé d’émotion et m’aide à construire un récit autour de notre rencontre.
Cela m’a permis d’édifier une montagne de souvenirs immortalisés par des photos, films et écrits, que le temps, à travers la mémoire et les mots, se chargera de moduler et de raconter.