Sabine raconte son parcours entre enfant adoptif et enfant biologique.

L’adoption de ma fille est une aventure extraordinaire et une histoire intime que je souhaite partager pour transmettre aux candidats à l’adoption mon expérience et leur communiquer courage et confiance en l’avenir.

D’un dossier administratif à un autre…

Mon premier dossier administratif pour tenter d’avoir un enfant... a été celui de la PMA. Je n’irai pas dans le détail de ces démarches assez destructrices de ma vie de femme mais, tout comme celles de l’adoption, il y a le dossier et il y a la réalité : la réalité des piqûres, des examens sans fin, des rendez-vous chez le gynéco à 7 heures du matin avant d’aller travailler. Personnellement, je ne voulais pas aller plus loin que les simples IAC (insémination assistée par don du conjoint) car pour moi, avoir un enfant devait être soit un enfant biologique issu des deux conjoints, soit un enfant adopté pour garder une certaine égalité. Cette vision nous a permis de passer d’un dossier à un autre sans souffrance mais plutôt dans une grande Espérance !

L’aventure de l’adoption commence donc un soir où je discutais avec mon amie et confidente. Elle m’a dit :

Et bien adopte puisque tu m’en AS toujours parlé !

Il est vrai qu’avec mon mari, on s’est très vite imaginé avec une famille composée d’enfants naturels et adoptés. Sans doute parce nous avions une jolie image de l’adoption. En effet, mes parents ont un petit nombre d’amis et de famille qui ont adopté et l’un de nos amis proches est lui-même adopté dans une famille composée d’une quinzaine d’enfants naturels et adoptés. Seulement… c’est si facile de parler, de dire qu’on souhaite adopter parce que « tout enfant a le droit à des parents ». Mais… passer à l’acte est une autre chose !

Mon amie, me connaissant bien, a maintenu son idée en tête et m’a encouragée à amorcer mes démarches, à lancer le dossier, à écrire une belle lettre de motivation. Elle m’a dit « même si tu ne vas pas au bout, écrire cette lettre te fera du bien ». Je ne pourrai pas dire pourquoi, mais après ce coup de téléphone, cela m’est apparu comme une évidence. C’était LA voie ! J’avais enfin l’impression qu’une lueur d’espoir réapparaissait. J’allais, par cette voie, reprendre confiance en ma capacité à devenir maman un jour !

Nous avons donc contacté ASE (Aide Sociale à l'Enfance) et obtenu notre agrément en septembre 2006, après neuf mois de réunions à Nice et chez nous. J’ai vécu ce chemin vers l’agrément comme un moment assez rassurant d’échange, qui nous a permis de mûrir notre démarche. Bien sûr, la réalité de l’adoption nous est vite apparue bien différente que celle racontée par nos « anciens ». Quelle vision naïve et obsolète nous nous étions faite ! Mais nous avions le « profil idéal » comme se plaisait à nous rappeler l’équipe du Conseil départemental qui nous suivait : jeunes (32 ans), mariés, tous les deux ayant un emploi stable, propriétaires de notre foyer. Je me suis faite assez facilement aux premières séries de démarches, malgré tout très fastidieuses, de recherches sur le net, dans les livres, auprès des différentes associations. J’ai ensuite commencé à envoyer notre candidature dans les différents OAA. Je dois dire que mon caractère assez structuré et mon travail de juriste d’entreprise m’ont aidé à supporter ces démarches. Je dois aussi souligner que l’équipe de ASE nous a transmis une certaine confiance dans les chances d’aboutissement de notre projet.

Assez rapidement, en septembre 2007, nous étions retenus par l’OAA « Médecins du monde » pour une adoption en Colombie ! C’est peut-être grâce à cette réponse positive que quelque chose d’inexplicable s’est produit en moi. J’avais lâché prise sur ce que je désirais profondément mais de façon plaintive. Quelques mois après cette lettre d’acceptation de l’OAA, j’étais enceinte. Quelle joie !

D’un rêve à un autre… de la parentalité biologique à la parentalité adoptive

Notre fils est né ! Le rêve de devenir parents se concrétisait. Ce fut un tel soulagement… l’impression de pouvoir enfin continuer à vivre notre vie. Car lorsque j’étais dans ce combat pour dévernir maman, la vie n’avait plus trop de sens pour moi. J’avais comme appuyé sur « pose »… et mon esprit tournait en boucle sur cette idée de devenir maman.

Après avoir savouré pleinement les premiers mois de vie de notre fils, nous avons souhaité rencontrer l’équipe du Conseil départemental des Alpes-Maritimes, car notre projet d’adoption était resté très présent dans notre esprit. Il était encore plus porteur d’espoir car il n’était plus entaché par mes peurs de ne pas devenir maman… j’avais déjà mon fils chéri.  Là encore l’équipe du Conseil départemental nous a amené à nous poser les bonnes questions. Ils nous ont suggéré de suspendre notre projet, au moins pendant un temps, pour profiter de notre parentalité récente. Nous avons bien sûr profité de notre parentalité. Mais cette parentalité m’a aussi donné de l’énergie pour reprendre les démarches administratives pour réorienter notre dossier vers une demande d’adoption en Colombie via l’AFA. En effet, nous ne pouvions plus passer par l’OAA « Médecin du monde » qui nous avait radiés car nous étions devenus parents entre temps. 

Après avoir été accepté par l’AFA sur liste d’attente pour Madagascar et pour la Colombie, notre dossier a vécu sa vie seul. Et, nous nous sommes naturellement concentrés sur notre bonheur de jeunes parents. Et puis, aux deux ans et demi de notre fils, le deuxième enfant souhaité et attendu chaque mois, n’arrivait pas… Nous nous sommes alors dit qu’il fallait se bouger un peu pour faire « vivre » notre dossier d’adoption, gentiment endormi dans les méandres des différentes administrations colombiennes et françaises. Nous avons recontacté et rencontré notre équipe du Conseil départemental des Alpes-Maritimes. J’ai assisté, à nouveau, aux différentes réunions d’information et à thèmes à Nice. Et puis nous avons intégré un groupe de parole de candidats à l’adoption en 2010.

J’ai dû recommencer toutes les démarches pour tenter de faire accepter notre projet par un OAA en plus de notre dossier en attente en Colombie via l’AFA. Car notre dossier stagnait indéfiniment et il n’y avait rien à effectuer de plus pour le faire évoluer. Attendre sans bouger… je ne sais pas faire ! J’ai repris mes recherches sur internet, écouté les uns et les autres du groupe et contacté toutes les OAA possibles.

Mais nous nous sommes trouvés confrontés à une autre difficulté à laquelle nous ne nous attendions absolument pas au tout début de notre démarche d’adoption. Notre « handicap » venait désormais du fait que nous étions parents ! Les OAA nous répondaient n’accepter que des candidats n’ayant pas d’enfant. Vu le nombre vertigineux de postulants à l’adoption face au nombre restreint d’enfants, leur refus m’apparaissait bien normal. A ce stade, j’avoue que je me suis sentie envahie d’une grande déception. Mais je ne pouvais pas me laisser aller à la tristesse car j’avais mon fils, qui comblait notre vie de parents, et je pensai à ces nombreux couples qui, eux, n’étaient toujours pas parents. D’ailleurs, le groupe de parole et les couples sans enfants qui le composaient étaient là pour me le rappeler chaque mois.  Mais… c’est aussi grâce à ce groupe de parole, que j’ai réalisé que même si j’espérais de tout cœur que les couples sans enfant réussissent à mener à bout leurs projets, cela ne devait pas pour autant empêcher mon envie d’être à nouveau maman. Tout le monde a son chemin, tout le monde a ses rêves, il faut s’y accrocher ! 

Alors, j’ai repris les recherches d’OAA avec persévérance. En parallèle de ces démarches, nous nous sommes dit que notre dossier, en liste d’attente au Conseil départemental pour un pupille, devait quand-même avoir un peu remonté la pente et être passé dans le haut du panier. Mais sans vraiment y croire.

En 2011, notre premier agrément est arrivé à son terme des 5 ans. Il nous a donc fallu faire une nouvelle demande d’agrément. Nous étions convaincus qu’il fallait persévérer malgré le fait qu’aucun OAA n’avait encore accepté nos candidatures, et que notre dossier en Colombie était bloqué. D’ailleurs, la Colombie fermait petit à petit ses portes…

Rapidement après l’obtention de notre deuxième agrément, un OAA nous a répondu vouloir nous rencontrer pour discuter d’un projet de dossier au Congo. Malgré le fait que rien n’était encore acté ni même accepté, mon rêve et mon imaginaire est passé d’un petit enfant Colombien à un petit enfant Congolais ! C’est un exercice assez étrange et difficile à effectuer… mais je m’y suis prêtée et j’ai même imaginé ma petite fille dans un salon de coiffure africain, car je sentais que nous allions avoir une petite fille… L’Espérance reprenait vie… d’une autre couleur mais elle avait un sens !

Et puis un beau jour, le 15 mars 2013, le coup de fils tant attendu est arrivé !

Je vous annonce qu’un petit bébé vous attend. C’est une petite fille de 3 mois. Elle est d’origine européenne. Elle est en bonne santé !

Je suis sonnée d’entendre ces paroles auxquelles je ne m‘attendais finalement pas. Je m’étais préparée pourtant… Depuis plus de six années  que je cheminais avec mon mari sur les traces sinueuses de l’adoption. J’ai passé un long week-end  à cogiter, à attendre la communication de son histoire, de sa photo… Deux jours après le coup de fils, nous rencontrons l’équipe du Conseil départemental qui nous présente le « dossier » de ce petit bébé, photo à l’appui.

L’équipe nous demande de réfléchir… mais… c’est comme une évidence pour moi et pour mon mari, nous savons que c’est notre fille en notre fort intérieur, il n’y a pas de place au doute ! Cette photo, je la serre dans mes bras, je la laisse dans mon sac à main jusqu’à la première rencontre avec notre petite fille. Et puis à l’arrivée de notre jolie petite à la maison, cette photo trônera fièrement sur le frigidaire pendant bien longtemps !

Si l’évidence nous est apparue pour accepter l’apparentement… il me reste néanmoins une question assez anxiogène : comment présenter l’arrivée de cette petite fille à notre fils ? Nous étions sur le chemin de l’adoption depuis six ans, mais lui… il savait simplement que nous voulions un deuxième enfant et que « mon ventre n’était toujours pas gros » comme il nous a dit un matin. Là encore les professionnels de ASE nous ont donné de merveilleux et précieux conseils !

Notre fils a été enchanté de la nouvelle, il ne cessait de répéter, avant même de l’avoir rencontrée :

j’ai une petite sœur, j’ai une petite sœur !  Il faut vite aller la chercher, elle sera mieux chez nous, dans sa maison !.

Il a voulu présenter sa petite sœur à sa classe dès le jour de son arrivée. Le bonheur était démultiplié grâce à notre fils… nous étions trois à être sous le charme ! Je dirai même que notre fils nous a permis de nous sentir parents instantanément… C’était SA petite sœur tout de suite, sans même l’avoir vue… et il le criait à qui voulait bien l’entendre. Les parents d’élèves qui ne m’avaient pas vu enceinte, se sont dit que notre fils divaguait un peu, jusqu’au jour où on est venu présenter sa sœur dans sa classe. Je n’avais encore jamais vu le sourire fier, que notre fils a arboré ce jour-là !

Conclusion

Ce qui me paraît ressortir de l’histoire de notre construction familiale, c’est que sans notre fils nous n’aurions pas eu notre fille… car si notre fils n’était pas né, notre dossier d’adoption aurait sûrement abouti via Médecin du monde, en Colombie...

Et sans notre fille nous n’aurions pas eu notre fils… car je suis convaincue que j’ai été enceinte parce que je n’avais plus de doute sur le fait que j’allais être maman grâce à l’obtention de l’agrément et l’acception de notre dossier par un OAA.

Être maman, d’une manière ou d’une autre peu m’importait !

D’un dossier de PMA à un dossier d’adoption, d’un enfant naturel à un enfant adopté… c’est l’histoire de notre couple qui, avec plein d’acharnement et beaucoup d’espoir, a construit une jolie famille.