La Belle-Époque, éclectisme et Art nouveau

Dès la fin du XVIIIe siècle, le littoral, ses paysages et la douceur de son climat ont attiré l’élite de l’Europe du Nord pour y passer l’hiver. Il s’agit alors souvent de séjours curatifs, initiés par les Britanniques dès 1760. À partir de 1860, la Riviera française connait un réel essor et un engouement qui ne faiblit pas. La construction de la ligne de chemin de fer dans la deuxième moitié du XIXe siècle a permis d’attirer un nombre toujours plus importants d’hivernants issus de l’aristocratie ou de la grande bourgeoisie européenne. Le Département 06 se couvre d’édifices destinés à accueillir cette clientèle fortunée qui vient s’installer dès le début de la saison jusqu’au mois d’avril. Pour répondre à leurs besoins on construit de grands hôtels, des théâtres et un opéra à Nice dont Charles Garnier supervisa les travaux en 1885, des casinos, des villas mais aussi des lieux de culte, églises russes orthodoxes, temples protestants.

L’architecture adopte un style foisonnant, dit éclectique, exploitant et mélangeant les styles inspirés par les origines et les goûts de l’élite internationale qui se retrouve entre Cannes et Menton.

Les hôtels, palaces monumentaux situés d’abord sur les collines, adoptent un style néo-mauresque comme l’hôtel Alhambra à Nice, mélangent classicisme parisien et italianisme comme à Menton le Winter Palace et son voisin le Riviera Palace, créés entre 1898 et 1901 par Albert Tournaire, Grand Prix de Rome ou d’Abel Glena et Alfred-Auguste Marsang.

Les villas s’inspirent des palais des maharadjas indiens, comme le château Smith, « folie » édifiée à Nice en 1857 par un ancien officier de l’Armée des Indes, des châteaux médiévaux comme le château de Valrose, construit en 1867, pour un financier russe, Paul von Derwies, adoptent un style vénitien telle la somptueuse villa Éphrussi de Rothschild, édifiée entre 1905 et 1912 ou reproduisent fidèlement une demeure de la Grèce antique comme la villa Kerylos, propriété du mécène Théodore Reinach et œuvre de l’architecte Emmanuel Pontremoli.

À la fin du XIXe siècle, l’Art nouveau s’impose avec son exubérance et ses formes voluptueuses inspirées de la nature dont la charmante villa de l’industriel finlandais Charles Collin Huovila à Nice est un des exemples les plus parfaits. L’architecture bénéficie des innovations techniques. Les ossatures métalliques permettent la réalisation de grandes verrières qu’on retrouve dans les gares comme la gare du Sud, les jardins d’hiver de l’hôtel Riviera palace de Beausoleil, la Rotonde à Beaulieu et les casinos. Parmi ceux-ci le plus célèbre fut le Casino Jetée-Promenade avec son style orientalisant, sur pilotis, tout de métal et de verre, édifié en 1891 et détruit par les Allemands en 1943.

De grands architectes contribuent à l’architecture de villégiature. Sébastien-Marcel Biasini, réalisa l’hôtel Régina de Cimiez, où séjourna la reine Victoria avec ses dômes imitant la forme d’une couronne royale, ses clochetons et ses marquises, l’architecte parisien Édouard Niermans édifia, en 1912, l’hôtel Négresco, dont la silhouette immaculée néo-classique, dominée par un imposant dôme rose, est devenue un des emblèmes de la ville de Nice, le danois Hans Thomas Tiersling réalisa l’ancien casino de Menton en 1911 et la Rotonde à Beaulieu avec ses absides vitrées et sa coupole en zinc. Juste avant la première guerre mondiale le « Palace des Stars, Star des Palaces », l'hôtel Carlton, au centre de la Croisette, est érigé par les architectes Charles Dalmas et Marcellin Mayère. Dômes, parements de briques verticaux, multiples balcons, sculptures en staff d’exception, corniches ouvragées, décors baroque et rococo sont autant d’éléments de ce bâtiment éclectique et intemporel, à la croisée des chemins entre l’Art Nouveau, la Belle Époque et les équipements dernier cri.

Les années folles et l’Art déco

Dès la fin de la première guerre l’activité reprend dans les Alpes-Maritimes, moins touchée que le reste du pays. Les hivernants laissent peu à peu la place aux estivants et aux activités balnéaires. La clientèle se diversifie tant au niveau de la provenance géographique que sociale. La vieille aristocratie européenne y côtoie aussi bien le monde de la finance et de la politique que les vedettes internationale du sport, du cinéma, de la littérature et des arts.

Les stations climatiques se transforment en stations balnéaires, comme Cannes, Nice, d’autres se révèlent comme Juan-les-Pins qui grâce à l’impulsion de Frank Jay Gould, devient le rendez-vous de la jet-set internationale et accueillent aussi bien le Baron Maurice de Rothschild, Georges Carpentier, Suzanne Lenglen, J.-F. Kennedy, Winston Churchill, Charlie Chaplin, Marlene Dietrich, Ernest Hemingway, André Gide, Nina Simone, Picasso, etc.

Un nouveau style, se définissant comme une rupture avec l’Art nouveau de la Belle Époque et rendu possible par la maîtrise du béton armé, autorise toutes les audaces. Il se caractérise par l’emploi massif de béton, la recherche du confort, de la sobriété, de la pureté des lignes. Influencé par le cubisme et l’art premier, ce nouveau courant artistique fait prédominer la forme sur la décoration. Du milieu des années folles jusqu’en 1935, il triomphe dans les stations balnéaires des Alpes-Maritimes avec ses palaces, ses casinos, ses villas les pieds dans l’eau. Ce n’est que des façades de béton percées de larges ouvertures, volumes cubiques, décorations de mosaïques et bas-reliefs, entrées monumentales et somptueux escaliers, véritables puits de lumières.

La Croisette qui accueille désormais les riches Américains durant la saison d’été se couvrent d’hôtels. Le Majestic est édifié en 1926, le Miramar et le Martinez en 1929, de même que le Casino d’été, le Palm Beach.

Juan-les-Pins, station estivale en plein essor de dote d’un gigantesque hôtel, conçu par Lucien Stable, le Provençal, dont l’ouverture se fit en juin 1927 et du non moins célèbre hôtel Belle-Rives où se pratiquent toutes les nouvelles activités nautiques.

La promenade des Anglais n’est pas en reste avec la construction, par les architectes Charles et Marcel Dalmas, en 1927, du Palais de la Méditerranée. Avec sa façade immaculée, ses grandes baies, ses bas-reliefs et son escalier monumental il constitue sans doute l’exemple le plus prestigieux de l’Art déco et de l’architecture d’entre-deux-guerres sur la Riviera française.