La richesse du patrimoine baroque dans le département est le reflet de son histoire. Le comté entre le XVIIe et le XVIIIe siècle est en plein développement économique. Nice, possession depuis 1388 de la Maison de Savoie, est le seul accès à la mer de l’état alpin. Sous le règne de Victor-Emmanuel II (1648 – 1675) le comté connaît une période de paix favorisant le développement des arts et de l’architecture avec l’édification de nombreux palais (palais Lascaris, villa Gubernatis…), d’églises et chapelles suscités par l’installation de nouveaux ordres religieux (Jésuites, Minimes, Augustins déchaussés et Théatins) ainsi que la création de nombreuses et puissantes confréries de Pénitents, tous soucieux de propager la foi catholique. Les édifices s’inspirent des réalisations faites à Turin, Gênes et Rome.

L’architecte phare de cette période est Jean-André Guibert qui construit Saint-Pierre-aux-liens à l’Escarène (1642) et la Cathédrale Sainte Réparate à Nice entre 1650 et 1680.

Sur le territoire du comté l’élan se concrétise par la construction ou la reconstruction de nombreux édifices : Cathédrale Saint-Michel de Sospel (reconstruite à partir de 1642), Santa-Maria-in-Albis à Breil-sur-Roya, le couvent franciscain de Saorge (1633).

Sous le règne de Victor-Emmanuel III (1730-1773) les travaux d’embellissement de Nice reprennent (église Saint-Gaétan, chapelle de la Miséricorde 1740, église Saint-Pons 1743, attribuée à Juvarra).

Route du baroque

La Route du baroque répond à la volonté de mettre en valeur un passé local intimement lié à la vitalité artistique exprimée des deux côtés de la frontière actuelle, de la fin du XVIe au début du XVIIIe siècle.

La "Route du baroque nisso-ligure" vous invite à découvrir les plus beaux monuments, sacrés et civils, d’un patrimoine architectural inestimable, expression triomphante de la foi, de la vigueur et de l'euphorie de la Contre-Réforme. Vous serez frappés, émus et étourdis par la vie, la somptuosité, l’exubérance des formes, des peintures et des décors.

Le Baroque

Lorsqu’en 1545 s’ouvre le Concile de Trente, le monde chrétien est en crise. L’église catholique romaine et ses pratiques, dont celle des Indulgences, sont contestées par des partisans de la Réforme conduits par Calvin et Luther. Ce concile va durer 18 ans.

Au lieu de s’amender l’église catholique décide de lancer la Contre-Réforme idéologique, avec l’ordre des jésuites et artistique, avec un nouveau style qu’on appellera bien plus tard "Baroque" (le mot "barocco" viendrait du Portugal via la Castille et aurait désigné une perle irrégulière).

Ce mouvement artistique part du Vatican avec les architectes et sculpteurs Bernini (Le Bernin pour les Français) et Borromini. Il est relayé à Turin par Guarini, admirateur de Borromini.

Si en France, terre du classicisme dont Versailles sera un phare, les projets de Bernini et de Guarini sont tous refusés, ils sont pourtant les modèles de tous les États italiens et se diffusent en Europe puis jusqu’en Amérique du Sud.

La Ligurie est donc au XVIe et XVIe siècle naturellement submergée par la vague baroque. Le comté de Nice et Monaco (qui à l’époque incluait Menton) le sont aussi. Il faut souligner qu’ils font partie, non pas de la France mais, depuis 1388, des États de la Maison de Savoie qui s’étendent du Nord des Alpes à la Méditerranée, incluant le Piémont. Leur capitale est Turin.

Art de la Contre-Réforme, le baroque se veut démonstratif. L’architecture, la sculpture et la peinture, pour la première fois intimement mêlées, sont mises au service de la propagation de la foi catholique. Les bâtiments du culte sont mis en scène. La façade fonctionne comme un rideau de théâtre, imposante, augmentée par ses ailerons et son fronton, parfois accentuée de parties concaves ou convexes pour saisir le fidèle. Ses enduits colorés rompent avec les édifices antérieurs.

Par sa composition ternaire, elle évoque d’emblée la Sainte-Trinité. La ligne d’entablement marque déjà la limite des cieux. Franchi ce rideau, c’est le choc esthétique, l’éblouissement voulu par cette profusion décorative d’ors, de marbres vrais ou feints et de stucs. L’entablement court à l’intérieur tout le long de l’édifice, marquant la séparation entre le terrestre et le céleste. C’est au-dessus de cette limite que se situent toutes les fenêtres, simplement blanches, source de la lumière divine. L’espace se dilate, du fait des chapelles latérales et se rétrécit au niveau du choeur, signe d’intimité avec le divin. Une autre ligne de force architecturale essentielle marque ce rétrécissement, celle de l’arc triomphal qui sépare la nef du choeur et, en même temps, le monde profane du monde sacré.

L’Esprit Baroque

Dans la Ligurie du Ponant comme dans le comté de Nice, cet art démonstratif non seulement n’a rencontré aucune résistance mais semble avoir comblé l’âme profonde des populations qui, par les processions très théâtrales de leurs confréries de pénitents, le décorum des grands moments de la vie religieuse, publique et même privée ont toujours eu à coeur d’extérioriser leur foi et leurs sentiments, leur personnalité.

Aujourd’hui encore, on peut dire que cet héritage baroque correspond à notre mentalité profonde et aux racines de notre culture. Malgré les bouleversements touristiques du XIXe et du XX e siècles qui virent naître la Riviera-Côte d’Azur, pôle touristique mondial, cette authenticité reste très forte, elle est l’âme authentique de ce territoire.